Jet zéro-émission propulsé à l’hydrogène liquide
Parmi les technologies émergentes de propulsion aéronautique, l’hydrogène est considéré comme l’un des candidats les moins susceptibles de connaître une adoption précoce. Cependant, la société suisse Sirius a dévoilé ses plans pour débuter les essais en vol d’un jet d’affaires à hydrogène en 2025.
Sirius a récemment présenté deux versions de ses appareils : le Sirius Business Jet pour les voyages d’affaires et le Sirius Millennium Jet, conçu pour le secteur commercial. Ces modèles seront équipés d’un système de propulsion électrique à hydrogène avec des ventilateurs carénés. Alexey Popov, PDG de l’entreprise, a partagé avec Robb Report des détails sur le développement et le calendrier prévu pour la certification.
Comme c’est le cas de nombreux designs eVTOL, le Sirius Business Jet bénéficiera de la capacité à décoller verticalement tout en présentant des rotors basculants permettant un vol horizontal. Tout comme les appareils électriques, ce jet n’émettra aucune émission de carbone mais offrira une autonomie et une vitesse de pointe supérieures. «Nous venons de présenter l’élément le plus crucial de cet avion — le moteur», déclare Popov. « Il s’agit d’une technologie durable qui s’inscrit dans le plan de l’aviation visant la neutralité carbone d’ici 2050. »
Les avions à hydrogène sont rares mais ne sont pas une nouveauté. En février 1957, un Martin B-57B a volé pendant 20 minutes avec de l’hydrogène dans l’un de ses moteurs, en remplacement du carburant classique. Plus de 50 ans après, Boeing a testé un Diamond DA20 à deux places, propulsé par une pile à combustible. En 2016, l’expérimental Antares DLR-HY4 à aile fine et étendue a réussi ses essais en vol propulsé par une pile à hydrogène. En janvier dernier, ZeroAvia a fait voler un Dornier 228 dont un des turbopropulseurs a été remplacé par un prototype de groupe motopropulseur électrique à hydrogène, incluant deux piles à combustible et une batterie au lithium-ion.
En cas de réussite, Sirius signera une percée : le premier jet conçu spécifiquement pour l’hydrogène électrique, qui ne soit ni un avion expérimental ni basé sur une cellule existante. Le jet d’affaires ne sera pas alimenté par des piles à combustible mais utilisera de l’hydrogène liquide stocké dans des réservoirs cryogéniques pour alimenter les moteurs électriques, avec un système de batterie au lithium-ion en soutien.
Popov indique que la plupart des composants sont issus de technologies « éprouvées et disponibles dans le commerce », le groupe propulseur tout juste révélé représentant le chaînon manquant qui unira tous les éléments. Sirius a développé la conception du groupe propulseur à hydrogène et du système de ventilateurs carénés, tandis que son partenaire BMW Designworks est chargé de l’intérieur et de l’extérieur. Tommy Forsgren, designer principal chez BMW Group et responsable de la BMW Série 6, dirigera le design, marquant une première pour le groupe ayant déjà conçu de nombreux intérieurs d’avions.
D’autres partenaires incluent le Groupe Sauber F1 pour le design et Leonardo Aerostructures, faisant partie du géant italien de l’hélicoptère Agusta Westland.
La version Business Jet pourra accueillir un pilote et jusqu’à trois passagers, tandis que le Millennium Jet disposera de places pour un pilote et jusqu’à cinq passagers. Le design prévoit de multiples ventilateurs carénés le long des deux paires d’ailes, à l’avant et au milieu de l’appareil, couronnés par une queue effilée.
L’hydrogène possède une densité énergétique bien supérieure à celle des batteries, ce qui offre une autonomie beaucoup plus grande que les avions entièrement électriques. Le Business Jet pourra voler sur 1 150 miles grâce à des réservoirs de carburant étendus, et sa vitesse de croisière maximale est de 323 mph. Outre l’absence d’émissions de carbone, Sirius affirme que le jet produira un bruit de 60 dBA, soit l’équivalent du niveau sonore d’une conversation dans un restaurant. Le Millennium Jet aura une autonomie d’environ la moitié de celle du Business Jet, 650 miles, mais sa vitesse de croisière et son niveau de bruit seront identiques.
Des constructeurs aéronautiques de plus grande envergure, tels qu’Airbus, travaillent sur des avions plus grands à hydrogène, envisageant leur utilisation commerciale d’ici 2035.
Sirius annonce qu’un prototype à échelle réelle est en cours de construction, dont l’achèvement est attendu pour le deuxième ou troisième trimestre de cette année. Fin 2024, l’avion devrait subir des tests de vol stationnaire et de vol horizontal. En 2025, la société prévoit de fabriquer plusieurs cadres à échelle réelle et de les soumettre à des essais de vol plus approfondis, en parallèle du développement des moteurs électriques et des pales.
D’ici le quatrième trimestre de 2027, Sirius espère obtenir la certification de la Federal Aviation Administration, considérant le marché américain comme principal débouché. Les plans à long terme prévoient la construction d’une installation aux États-Unis, bien que la production initiale se déroulera en Suisse. « Nous espérons livrer les premiers jets aux clients au premier trimestre de 2028 », ajoute Popov.
Sirius a indiqué avoir reçu des précommandes de Mehair en Inde pour 100 jets, pour une valeur approximative de 400 millions de dollars. Selon un communiqué de presse, 50 de ces appareils seront construits en Inde, et les deux entreprises développeront des « modèles de franchise » pour le pays.
Si cette expérience ambitieuse s’avère fructueuse, Sirius pourrait devancer ses concurrents dans le domaine des VTOL, également en lice pour le transport régional. Certains prévoient que ces nouveaux appareils remplacent les hélicoptères pour les voyages locaux et régionaux, grâce à un bruit minimal et à l’absence d’émissions.
Mais le chemin est encore long avant que ce concept soit éprouvé étant donné que seuls certains composants ont été finalisés lors de la première phase. Au-delà des ventilateurs et des moteurs électriques, il reste à construire à l’échelle et à tester en vol le reste de l’appareil. Sirius prévoit de faire d’autres annonces plus tard dans le mois. »